Sur le droit et les lois à l’ère de l’internet

Les incohérences perceptibles de l’économie de l’internet et de la finance internationale nous obligent à regarder de plus près, voire à réviser quelques concepts liés à la justice ou à ce qui est communément admis comme juste, ou légal.

Les systèmes juridiques dans le monde d’aujourd’hui sont nationaux, enfermés entre les frontières des états. Deux systèmes sont prépondérants, celui du droit commun, jurisprudentiel, en vigueur dans le monde anglo saxon et celui du droit romano civiliste, codifié. Pour plus d’explications, l’article common law du Wikipédia est assez clair et concis ; l’image en dessous en provient également :

carte mondiale des systèmes juridiques source wikipédia

  •      droit romano-civiliste
  •      common law
  •      droit coutumier
  •      droit musulman
  •      bijuridisme (droit romano-civiliste et common law)

Si on souhaite remonter un peu plus loin dans cette analyse, on peut envisager de répondre à quelques questions concernant la philosophie du droit. Par exemple : Quel est le rapport entre morale et droit ? Quel est le rapport entre droit et justice ? Comment naissent les normes de droit ?

Sans pour autant parcourir tous les sujets pertinents liés à l’étude du droit (la loi comme source de droit ; la loi et le contrat ; la hiérarchie des normes, lois, règlements, décrets, actes, etc) il est important de souligner deux aspects absolument pertinents dans le champ politique concernant la mondialisation et l’internet : la puissance de la loi et la portée d’une loi !

Voici en dessous les paragraphes qui leur sont consacrés dans Wikipédia (édition du 27 mars 2014).

Puissance de la loi

La loi est édictée par un organe, le législateur, auquel on reconnaît une autorité particulière, plus ou moins grande.

 

Il existe à cet égard deux grandes conceptions :

- La loi comme expression de la volonté générale du peuple, de l’intérêt général. Dans cette conception, la loi ne connaît aucune autre limite que celle qu’elle peut poser par ailleurs ; c’est notamment la conception traditionnelle en France. La loi a un contenu symbolique fort, celui de proclamer l’idéal social, mais au risque de négliger les aspects pratiques et les effets réels : peu importe que la loi ne marche pas, pourvu qu’elle soit « juste ». Lorsque cet aspect l’emporte, on obtient des lois contenant de généreuses ou fermes proclamations de principe, des lois de circonstance de réponse à des scandales ou de gestion d’une émotion collective, le tout avec un contenu pratique (permettre, interdire, taxer, subventionner, punir…) réduit ou sans effet significatif. Le faiseur de loi (normalement, le législateur, à moins qu’il soit tombé sous la coupe d’un autre organe politique, comme un parti ou le pouvoir exécutif) domine le champ politique.

- La loi comme limite aux combats inter individuels pour la prééminence, comme outil moral servant à éviter le recours aux vraies armes. Dans cette conception, la loi et le législateur n’ont d’autorité qu’à la hauteur de leur succès pratique à effectivement organiser une société assez convenable pour les habitants du lieu, c’est-à-dire une autorité limitée et subordonnée aux multiples conceptions morales de ce que les choses devraient être ; des principes supérieurs sont reconnus, qu’aucune loi ne peut enfreindre sans cesser ipso facto d’être une loi. La loi reste une chose très pratique, mais au risque du cynisme et de l’immoralité : peu importe que la loi ne soit pas « juste » si elle atteint ses buts.

 

Ces deux conceptions ont des fondements contradictoires, mais restent compatibles en pratique, lorsqu’on conçoit une loi qui se conforme aux idéaux supérieurs (les Droits de l’Homme, les « principes généraux du droit », …), qui exprime quel aspect elle veut en traiter, et qui contient des dispositions pratiques permettant effectivement de s’en rapprocher.

 

Portée d’une loi

 

Dans les États unitaires, seul l’État dispose du pouvoir législatif et peut édicter des lois. Inversement, dans les États fédérés, il existe à la fois des lois fédérales et les lois des entités fédérées. La constitution précise généralement dans ce cas quelles compétences relèvent de l’État fédéral et lesquelles appartiennent aux entités fédérées. Les textes de niveau législatif peuvent porter des noms différents selon qu’ils sont adoptés au niveau fédéral ou au niveau fédéré, comme en Belgique où les lois prises au niveau fédéral et les décrets pris au niveau des communautés ou des régions sont de même niveau dans la hiérarchie des normes. Les constitutions peuvent aussi préciser le domaine de la loi et celui du règlement.

 

On constate très bien que nos « politiques législateurs », faute d’assez d’analyse, perspicacité, volonté … , se contentent dans la majorité des cas de « fabriquer » des lois symboliques, sans efficacité. Ce n’est peut-être pas par hasard, qu’un ancien président du conseil constitutionnel (Pierre Mazeaud, en 2005) déclarait :

Les principaux maux dont souffrirait la loi sont :

 

Lois multiples

  • Il s’agit de l’inflation législative galopante que nous connaissons actuellement. C’est sans doute le pire de tous les maux. Le parlement adopte de multiples lois pour des motifs divers et variés. Le problème, c’est que les députés présents ne sont pas tous juristes. Sont donc adoptées trop souvent des mesures mal écrites, incompréhensibles ou inapplicables.

Lois jetables

  • Certaines personnalités politiques, pour des raisons liées à leur carrière, souhaitent associer leur personne et leur nom à une loi. Cependant ces lois peuvent avoir une utilité et une conception discutables, et peuvent tomber dans l’oubli aussi rapidement qu’elles ont été votées. Elles sont alors « jetées » et restent dans ces cas-là in appliquées.

Lois émotives

  • C’est une tendance forte. Elle consiste à vouloir légiférer systématiquement dès qu’un problème survient, avant même que les causes du problème soient connues. Une fois l’émotion passée, si la loi a été adoptée, on s’aperçoit souvent, là encore, que prise dans l’urgence, elle a été mal écrite.

Lois molles

  • Aussi appelées « neutrons législatifs ». C’est une loi sans contenu obligatoire, qui ne va donc avoir aucun effet en pratique. Liées aux problèmes des lois jetables et émotives.

Lois protectionnistes

  • Ce sont des lois destinées à protéger des entreprises en les préservant de la concurrence ou de l’évolution inéluctable des sciences et techniques.

 

Sur internet, nous constatons tous les jours les effets « injustes » mais « légales » de la capacité de projection hors frontières de certaines juridictions étatiques ou de contrats économiques nous liant à des superpuissances. Et dans les cas où elles paraissent ni injustes ni illégales, elles sèment la confusion.

Un bref aperçu de cette problématique (en anglais) est disponible sur le site internetjuridiction(point)net.

Pour vraiment comprendre l’aberration de la situation, il faut lire l’article de l’avocat Olivier Iteanu (en entier s’il vous plaît), paru sur zdnet le 11 octobre 2013. Son titre est très évocateur : « Que celui qui a lu le contrat client Amazon Web Services se lève »

C’est pour ces raisons que nous souhaitons militer pour inscrire dans nos droits fondamentaux le principe de la sécurité juridique, associé à un principe de l’équilibre contractuel.

La sécurité juridique est un principe du droit qui a pour objectif de protéger les citoyens contre les effets secondaires négatifs du droit, en particulier les incohérences ou la complexité des lois et règlements, ou leurs changements trop fréquents.

Extrait :

Ce principe peut lui-même se décliner en plusieurs exigences.

La loi doit être : compréhensible ; prévisible ; normative ; et porter sur le domaine de compétence du législateur.

La loi, en tant que règle de droit, doit aussi être générale, obligatoire, et coercitive.

Les facteurs de risque susceptibles de générer de l’insécurité juridique sont :

  • La prolifération de normes législatives ;
  • La complexité excessive ;
  • Le caractère précaire, illisible, incohérent, voire non normatif, de certaines lois ;
  • Certaines lois rétroactives et celles portant une atteinte excessive aux situations contractuelles déjà établies.

 

conf clusif du 12/12/2013

En complément, une courte vidéo (4 minutes) en l’introduction de la conférence de CLUSIF « L’Europe, le monde, la SSI… et leurs règles » qui a eu lieu le 12/12/2013.

 

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