Sur la démocratie

Extraordinaire conquête dans un XVIIIe siècle monarchique, la démocratie ressemble à un monument inachevé dont l’architecte aurait disparu. La représentation politique tourne à vide, l’abstention aux élections augmente, la crise sociale fragilise le citoyen…

par Allan Popelard, géographe à l’Institut français de géopolitique

Quel avenir pour notre démocratie ? De quelle démocratie parle-t-on ? La démocratie directe, représentative, participative, ou…. ?

Les préoccupations, les interrogations et les alertes concernant l’état de santé de «notre démocratie» surgissent d’une manière quasi permanente. Elles proviennent de tous les bords politiques et elles sont issues de toutes les couches de la société.

Comment en extraire des éléments marquants et innovants ?

L’universitaire québécois Francis Dupuis-Déri, dans son ouvrage «Démocratie. Histoire politique d’un mot» revisite l’histoire du mot lui même et ses interprétations diverses au cours de l’histoire.

Le mot « démocratie » est si populaire que toutes les forces politiques s’en réclament. Quelle surprise, alors, de constater que les « pères fondateurs » des « démocraties modernes » associaient cette idée au chaos, à la violence et à la tyrannie des pauvres ! Comment expliquer un tel revirement de sens ?

Dans un reportage vidéo (27 minutes) produit par l’UQAM, l’auteur nous présente les principales idées de son étude.

image de la vidéo de l'UQAM

Ce qu’il dit en essence c’est que la démocratie moderne, un régime électoral parlementaire où des élus décident en notre nom, est une aristocratie ! La démocratie dans le sens étymologique du mot, celle qui correspondrait à la prise de décision par les citoyens et qui satisferait mieux nos attentes d’aujourd’hui, n’a pratiquement jamais existé !  Il la dissocié des notions comme la république et la modernité, souvent utilisées ensemble à des fin électoraux. La bonne nouvelle est donc que c’est à nous de l’inventer !

La crise de « la démocratie représentative » n’est pas nouvelle. Notre régime parlementaire a toujours été considérée comme perfectible, en portant une attention particulière, par exemple, à l’équilibre des pouvoirs. Ce qui est nouveau c’est la prise de conscience, de masse et intellectuelle, de cette crise. Mais nous pouvons nous ré approprier ce concept. Et nous pouvons le remodeler pour en établir les vraies valeurs.

C’est ce que dit le théoricien politique Michael Hardt dans le documentaire (56 minutes) «La démocratie c’est nous», diffusé par Arte le 2 octobre 2013. Ce documentaire rend bien compte des enjeux et des difficultés des expérimentations et implémentations de nouvelles formes de démocratie. (Il était possible de le visionner sur youtube et nemesistv, mais il a été retiré depuis.)

Quel avenir pour la démocratie représentative ?

On pourrait décrire un régime politique démocratique comme un système politique où les citoyens peuvent choisir leurs dirigeants comme ça leur plaît ! C’est vrai, nous avons tous l’égale liberté de choisir nos gouvernants : parmi les candidats qu’on n’aurait pas désignés … Ainsi cette égalité devant l’élection est, sommes toute, fictive ! Et la démocratie qui en résulte l’est également.

Dans les procédures et mécanismes mis en place pour les élections, rien ne garantit qu’elles aboutissent à une sélection «d’élites», au sens de leur utilité publique. Nos critères de choix sont subjectifs et dépendent de nos perceptions des candidats. Et ces perceptions sont brouillées par la force de leur notabilité médiatique et la puissance persuasive de leur discours, mi mensonge – mi vérité. Les programmes et les promesses électorales ne sont pas contraignants et nos représentants, une fois élus, gouvernent de fait et, malheureusement, de droit !

La vraie démocratie ne se résume pas pour autant au respect des formes (scrutin pluraliste, isoloir, urne); Elle implique d’avantage que la participation résignée à un scrutin qui ne changera rien : une intensité, une éducation populaire, une culture politique, le droit de réclamer des comptes, de révoquer les élus qui trahissent leur mandat.

Serge Halimi

Tout le charme de la démocratie tient au fait qu’elle s’accepte comme un système ouvert et dynamique, qui se donne le moyen de s’ajuster en permanence aux incessantes modifications qui affectent l’ordre des relations sociales et politiques.

Albert Ogien

Quelles seraient les pistes pour améliorer nos institutions ? Equilibre, efficacité, responsabilisation, transparence, diversité, participation en sont quelques mots clefs.

Et voici quelques objectifs prioritaires :

Modifier durablement la composition de la classe politique ainsi que les modalités d’y accéder et d’en sortir :

  • discrimination positive envers les jeunes, parité, diversité, retraite automatique
  • limiter les mandats dans le temps, successifs et simultanés
  • réduire le nombre d’élus et concevoir des institutions délibératives et législatives constituées d’élus, de représentants citoyens (des ONG par exemple) ainsi que de représentants ès qualité du monde économique
  • interdire aux élus de réglementer eux même leurs propres devoirs et privilèges ; les protéger par un statut adéquat

Améliorer le fonctionnement des institutions pour prévenir les conflits d’intérêts, pour mieux responsabiliser les dirigeants et pour augmenter leur efficacité :

  • la transparence ne garantit à elle seule la vertu ; s’assurer que l’investigation, le contrôle et la sanction puissent être dissuasives, efficaces et indépendantes
  • rendre les institutions compatibles avec la travail collectif et collaboratif et la prise en compte des temps longs (supérieurs à la durée d’un mandat)
  • s’assurer de la traçabilité, de la disponibilité et de l’objectivité des éléments de diagnostique
  • permettre plus facilement les initiative législatives citoyennes ; promouvoir l’intégration des éléments de la démocratie directe dans l’ensemble du système représentatif, facteur indispensable de l’évolution démocratique de nos sociétés

Actuellement les élus ont une obligation de moyens, mais pas de résultats ; ils profitent de la facilité de la décision et de la stabilité du système politique ; ainsi les conséquences négatives de leurs décisions sont transférés impunément à la postérité.

  • pouvoir sanctionner l’incompétence, voir révoquer un élu ; rendre certaines délits commis en cours de mandat non prescriptibles

 

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